1. Définition
Une action est un titre de propriété négociable, qui correspond à une fraction du capital social d’une société. Le détenteur d’une action, l’actionnaire, est copropriétaire de l’entreprise, ce qui lui confère généralement les droits et devoirs d’un associé : droit de vote, droit à l’information, droit aux dividendes…
2. Les modes de rémunération
La source potentielle de gains de l’actionnaire est double :
le dividende. En tant que copropriétaire du capital de la société, l’actionnaire perçoit une partie du résultat distribué (l’autre partie du résultat étant conservée au sein de l’entreprise). Plusieurs politiques de dividende sont possibles : le paiement des dividendes en numéraire (tous les actionnaires sont servis), le rachat d’actions (seuls les actionnaires qui vendent leurs actions sont servis), l’attribution d’actions gratuites (tous les actionnaires sont servis, considéré comme un revenu taxable au même titre qu’un dividende en numéraire). On peut mesurer le rendement procuré par l’action en rapportant le montant du dividende par action au cours de l’action concernée.
la plus value éventuelle sur la revente de l’action. Si lors de la cession d’une action, le prix de vente est supérieur au prix d’acquisition, le vendeur engrangera un gain appelé plus-value.
Le but de ce cours étant de définir et d’étudier les différents instruments financiers d’un point de financier nous n’allons développer ici aucun aspect juridique. Au contraire, nous allons ici rappeler quels sont les différents développements financiers théoriques qui ont été développés jusqu’à aujourd’hui, puis nous allons mettre en perspective les applications pratiques en gestion de portefeuille.
3. L’évaluation des actions par les dividendes actualisés
La méthode d’évaluation des actions communément admise en finance est celle des cash-flows actualisés. Elle consiste à calculer la valeur actuelle des cash-flows futurs, en les actualisant à un taux qui prend en compte le risque perçu. Le principe est que tout investisseur qui achète une action espère une rémunération (dividendes et plus-values) qui compense au moins le risque qu’il appréhende. On en déduit donc que la valeur actuelle d’une action est égale à la somme des valeurs actuelles des dividendes futurs qu’elle versera.
a) Le modèle à une période :
Prenons un exemple :
On considère une action X que l’on veut acheter. Nous anticipons que cette action va payer un dividende de 5 euros et que son cours sera de 110 euros ex-dividende.
En investissant dans l’action X les investisseurs vont exiger en contrepartie un certain taux de rentabilité, qui est fonction du risque perçu pour cette action. Ce taux est également appelé taux de rentabilité ajusté au risque. La détermination précise de ce taux se fait par l’utilisation de modèles financiers relativement complexes que nous ne développerons pas ici. On supposera que ce risque est donné et on le dénote k.
Supposons que pour compenser le risque encouru les investisseurs exigent un taux de rentabilité pour l’action X de 15% par an.
Le gain espéré (espéré = signification probabiliste) correspond donc au dividende anticipé , plus la plus-value sur le prix de l’action :
. Le taux de rentabilité espéré, que l’on note
, correspond au gain espéré rapporté au cours actuel de l’action (
). Au taux de rentabilité exigé de 15%, on obtient :
E(r_{1}) = \dfrac {D_{1} + ( C_{1} - C_{0} )}{C_{0}} = k (1)
0.15 = \dfrac {5 + (110 - C_{0})}{C_{0}}
L’équation 1 résume le point le plus important des modèles d’évaluation par les dividendes : le fait que le taux de rentabilité attendu est égal au taux de rentabilité exigé k.
De l’équation (1) nous pouvons en déduire le cours actuel de l’action :
C_{0} = \dfrac {D_{1}+C_{1}}{1 + k} (2)
L’équation (2) revient à dire que le cours actuel de l’action vaut la valeur actuelle du dividende anticipé, plus la valeur actuelle du cours dans un an, le tout actualisé à l’exigence de rentabilité des investisseurs. En remplaçant par les données, on obtient :
C_{0} = \dfrac {5+110}{1.15}=100 euros
Quelle remarque peut-on faire ici ? Cette formule nous permet de déterminer la valeur actuelle d’une action en fonction de son dividende anticipé et de son cours futur, mais comment détermine-t-on ce cours futur ?
En faisant le même calcul que le cours actuel, c’est-à-dire en utilisant le cours et le dividende attendus à la période 2 : C_{2} et D_{2}.
b) Le modèle à plusieurs périodes :
On exprime donc le cours anticipé de l’action à la période 1 en fonction des anticipations sur les dividende et cours de l’action à la période 2 :
C_{1} = \dfrac {D_{2}+C_{2}}{1 + k} (3)
En remplaçant la valeur de C_{1} dans l’équation (2) on trouve :
C_{0} = \dfrac {D_{1}+\dfrac {D_{2}+C_{2}}{1 + k}}{1 + k}=\dfrac {D_{1}}{1 + k}+\dfrac {D_{2}+C_{2}}{(1 + k)^2} (4)
Et avec la valeur de C_{2} dans l’équation (4) on trouve :
Soit, en généralisant :
C_{0} = \dfrac {D_{1}}{1 + k}+\dfrac {D_{2}}{(1 + k)^2}+\dfrac {D_{3}}{(1 + k)^3}+...+\dfrac {D_{t}}{(1 + k)^t}=\sum_{t=1}^\mathcal{1} \dfrac {D_{t}}{(1 + k)^t} (5)
Ce qui signifie que le prix d’une action est égal à la somme de ses dividendes actualisés, au taux de rentabilité exigé par les investisseurs. Le cours anticipé est, on s’en doute intuitivement, de moins en moins influant sur le prix actuel, à mesure que t tend vers l’infini.
c) Le modèle de Gordon-Shapiro1 :
Dans l’équation (5) précédente nous avons besoin d’anticiper tous les dividendes futurs, à l’infini. Ce qui est impossible. Par contre, pour simplifier, on peut supposer que les dividendes vont croître à un taux constant.
En reprenant notre exemple précédent de l’action X, si l’on suppose que le taux de croissance des dividendes est de g par an alors on a :
D_{2}=D_{1}\times(1+g)
D_{3}=D_{2}\times(1+g)=D_{1}\times(1+g)^2
D_{n}=D_{n-1}\times(1+g)=D_{1}\times(1+g)^{n-1}
Et en remplaçant la valeur de chaque dividende dans (5), on obtient :
C_{0} = \dfrac {D_{1}}{1 + k}+\dfrac {D_{1}\times(1+g)}{(1 + k)^2}+\dfrac {D_{1}\times(1+g)^2}{(1 + k)^3}+...+\dfrac {D_{1}\times(1+g)^{t-1}}{(1 + k)^t}=\sum_{t=1}^\mathcal{1} \dfrac {D_{1}\times(1+g)^{t-1}}{(1 + k)^t}
La somme de cette suite géométrique, à l’infini, se simplifie en :
C_{0} = \dfrac {D_{1}}{k-g} (6) Formule de Gordon-Shapiro
Quelles sont les implications de ce modèle ?
– Pour une valeur donnée de D_{1} et de k, plus le taux g est grand, plus la valeur de l’action sera élevée ;
– Au fur et à mesure que g se rapproche de k, le modèle ne fonctionne plus car le cours de l’action tend vers l’infini. Il n’est donc applicable que si le taux de croissance anticipé est inférieur au taux d’actualisation k ;
– Le cours de l’action va croître au même rythme que les dividendes :
Si C_{0} = \dfrac {D_{1}}{k-g}, alors C_{1} = \dfrac {D_{2}}{k-g}. Comme D_{2}=D_{1}\times(1+g), alors on obtient :
C_{1} = \dfrac {D_{1}\times(1+g)}{k-g}=C_{0}\times(1+g)
De cette formule on en déduit que la variation du cours de X de la période 0 à la période 1 est :
\dfrac {C_{1}-C_{0}}{C_{0}} = \dfrac {C_{0}\times(1+g)-C_{0}}{C_{0}}=g
Ce qui montre que ce modèle d’évaluation par les dividendes implique qu’en cas de croissance des dividendes, le prix de l’action s’appréciera chaque année du taux de croissance constant g.
Nous venons donc de voir comment évaluer le cours d’une action en fonction de ses dividendes futurs. Dividendes qui seront déterminés par la politique de distribution des résultats de la société vers les actionnaires. Or faut-il toujours se concentrer sur les dividendes, ou faut-il également (ou plutôt) se pencher sur la création de valeur ?
Si un investisseur envisage de racheter une société, il ne se souciera pas d’anticiper les dividendes futurs car s’il réussit, il déterminera lui-même cette politique de dividendes. Pour un investisseur normal (i.e. un actionnaire), les dividendes sont bien entendu très important dans la détermination du prix de l’action qu’il achète, mais il faut aussi prendre en compte la vraie valeur de l’entreprise, sa valeur « intrinsèque » (est-ce que l’entreprise a des actifs matériels et immatériels, c’est-à-dire des usines, une technologie unique, des brevets, du savoir-faire, une main d’oeuvre qualifiée ?…).
d) Exemple :
Dans le calcul de l’actualisation des dividendes futurs le cas le plus évident concerne les actions préférentielles (preferred shares). Celles-ci ont en effet un dividende fixe (comme une obligation) qu’il est donc possible de prévoir à l’avance.
Ci-dessous un exemple de preferred stock (émetteur initial : Merrill Lynch ; risque : Bank of America), dont le dividende est de 7% (payé trimestriellement). Le pair est de $25.
(source: Bloomberg)
(source: Bloomberg)
(source: Bloomberg)
Question :
Sachant que le taux de rentabilité éxigé pour acheter une action préférentielle de Bank of America est de 8% aujourd’hui, quel est selon vous le cours de cette action ?
4. L’évaluation des actions par les bénéfices et les opportunités d’investissements
Si l’on définit le dividende comme étant le bénéfice moins les investissements nets, alors on a la relation suivante :
C_{0}=\sum_{t=1}^\mathcal{1} \dfrac {D_{t}}{(1 + k)^t}=\sum_{t=1}^\mathcal{1} \dfrac {BPA_{t}}{(1 + k)^t}-\sum_{t=1}^\mathcal{1} \dfrac {I_{t}}{(1 + k)^t}où BPA_{t} représente le bénéfice par action pour l’année t, et I_{t} l’investissement (par action) de l’année t.
Cette équation signifie que la valeur d’une société n’est pas exactement égale à la valeur actuelle de ses résultats futurs mais plutôt à ces derniers, réduits de la valeur actuelle de la partie des résultats réinvestis dans la société.
Les investissements nets peuvent être :
> positifs (on investit plus qu’on ne désinvestit ; le bénéfice est imputé du montant de ces investissements nets) ;
> nuls (on investit en renouvelant exactement le parc productif ; le bénéfice sera égal au dividende) ;
> négatifs (on désinvestit plus qu’on n’investit ; les désinvestissements nets viendront s’ajouter au bénéfice).
Prenons l’exemple de la société Y, qui prévoit de dégager un bénéfice par action : BPA = €15.
60% de ces bénéfices seront consacrés chaque année à des investissements dans des actifs qui ont une rentabilité attendue de 20% par an.
De plus, l’exigence de rentabilité des investisseurs est ici encore de k = 15% par an.
Questions :
> Quel sera le taux de croissance des BPA ?
> Quel sera le taux de croissance des dividendes ?
> Combien vaut l’action de la société Y ?
> Combien vaudrait-elle si elle distribuait 100% des bénéfices en dividende (pas d’investissement) ?
Réponses :
> Taux de croissance des BPA :
On a :
\text{Taux de croissance des BPA}=\dfrac{\text{Variation du BPA}}{\text{BPA}}On multiplie le numérateur et le dénominateur par le montant des investissements :
\text{Taux de croissance des BPA}=\dfrac{\text{Investissements}}{\text{BPA}}\times\dfrac{\text{Variation du BPA}}{\text{Investissements}}Le taux de croissance des BPA est donc égal à :
Taux de réinvestissement des résultats X Taux de rentabilité des nouveaux investissements
Dans le cas de la société Y, le taux de croissance des BPA sera donc :
g = 60% x 20% = 12%
> Taux de croissance des dividendes :
Année | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 |
BPA | €15 | €16,8 | €18,82 | €21,07 | €23,60 |
Taux de croissance (BPA) | 12% | 12% | 12% | 12% | |
Investissement | €9 | €10,08 | €11,29 | €12,64 | €14,16 |
Taux de croissance (I) | 12% | 12% | 12% | 12% | |
Dividende | €6 | €6,72 | €7,53 | €8,43 | €9,44 |
Taux de croissance (D) | 12% | 12% | 12% | 12% |
Dans le tableau ci-dessus on entre le BPA de la première année (€15) ainsi que les BPA des années suivantes en appliquant le taux de croissance des BPA déterminé en 1.
On sait d’après l’énoncé que 60% des BPA sont affectés aux investissements, donc on peut calculer le montant de l’investissement pour chaque année. Ce montant croît évidemment à un taux de 12%. De même pour le dividende (résidu du BPA après investissement).
Les BPA, les investissements et les dividendes croissent au même taux : g = 12%.
> Cours de l’action Y :
En appliquant la formule de Gordon-Shapiro : C_{0} = \dfrac {D_{1}}{k-g}
On a donc, en remplaçant : C_{0} = \dfrac {6}{15\%-12\%} = €200
> Cours de l’action Y sans investissement :
Si la société Y n’investissait pas et versait 100% de ses BPA en dividendes, on aurait :
Année | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 |
BPA | €15 | €15 | €15 | €15 | €15 |
Taux de croissance (BPA) | 0% | 0% | 0% | 0% | |
Investissement | €0 | €0 | €0 | €0 | €0 |
Taux de croissance (I) | 0% | 0% | 0% | 0% | |
Dividende | €15 | €15 | €15 | €15 | €15 |
Taux de croissance (D) | 0% | 0% | 0% | 0% |
= €100 (deux fois moins que précédemment).
5. Le modèle de Gordon-Shapiro et le Price-Earnings Ratio
L’évaluation d’une action par le Price-Earnings Ratio (PER) est une approche très fréquemment employée. On détermine le bénéfice prévisionnel par action pour une société donnée, puis on multiplie cet indicateur par un PER de référence (sociétés comparables) pour obtenir le cours prévisionnel de l’action. En associant le modèle de Gordon-Shapiro à la méthode du PER on en déduit que :
. Ce n’est pas la croissance (g) qui augmente la valeur de l’action, mais ce sont les opportunités d’investissement, c’est-à-dire les opportunités de réaliser des investissements qui rapportent plus que l’exigence de rentabilité des actionnaires.
. La méthode d’évaluation par le PER postule que : C_{0} = BPA_{1}\times PER
Donc les sociétés avec un PER élevé seront soit de sociétés dont l’exigence de rentabilité des actionnaires (k) est faible, soit dont les opportunités d’investissements futurs sont très intéressantes (c’est-à-dire des opportunités de réaliser des investissements qui rapportent plus que l’exigence de rentabilité des actionnaires).
On appelle valeurs de croissance les actions qui ont un PER élevé parce que leurs investissements futurs devraient rapporter plus que l’exigence de rentabilité des actionnaires.
Certains expliquent que si les valeurs de croissance ont un PER élevé, c’est parce que l’on prévoit que leurs bénéfices par action vont augmenter à l’avenir. Mais ceci est faux. Voici un exemple :
La société A présente un BPA de €15 qui est distribué intégralement en dividende.
La société B possède le même BPA mais réinvestit à 60% dans des investissements qui ne rapportent que du 15%.
L’exigence de rentabilité des investisseurs est de 15%.
Pour A : g = 0% x ?% = 0%
=> C_{0} = \dfrac {15}{15\%-0\%}= €100
Pour B : g = 60% x 15% = 9%
=> C_{0} = \dfrac {6}{15\%-9\%}= €100
Les PER de A et de B sont identiques : 100 / 15 = 6.67x
Mais leurs taux de croissance sont différents.
Il ne faut donc pas confondre opportunité d’investissement et croissance.
A lire : article de Fidelity « N’opposons pas politique de dividendes et investissements ! »
1. Myron J. Gordon and Eli Shapiro (1956), « Capital Equipment Analysis: The Required Rate of Profit », Management Science, vol. 3, issue 1, pages 102-110
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